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Claude CAHUN

Un processus de "dés-identification"[1] et

d' "auto-engendrement"[2] photographique 

 

[1]MUZZARELLI Federica, Femmes photographes. Émancipation et performance (1850-1940), Paris, Hazan, 2009, page 188.

[2]LEPERLIER François, Claude Cahun. L’Exotisme intérieur, Paris, Fayard, 2006, page 87.

Claude CAHUN (1894-1954), Sans titre (Autoportrait), tirage gélatino-bromure d’argent, 10,4 x 7,9 cm., c. 1927.

SOMMAIRE

I. LA SUBVERSION DE L’IDENTITÉ PRONÉE PAR UNE SUBVERSION DU MÉDIUM PHOTOGRAPHIQUE.   

A. L’appropriation contestataire d’un médium autrefois apanage masculin.   

B. Interroger l’identité sexuelle : le détournement du médium photographique…    

C. … Aboutissant à un dépassement du genre.  

 

 

II. AUTOUR DE LA MISE EN SCENE PHOTOGRAPHIQUE DE SOI : ENTRE MASCARADE ET NARCISSISME.

 

A. Le « moi-peau »[1] du corps support.   

B. Le cadre photographique comme espace de parade. 

C. Un rituel narcissique. 

 

 

III. REACTIVATION DU « MYTHE » CLAUDE CAHUN EN TANT QUE PRÉCURSEUR ET FIGURE DE PROUE DE NOUVELLES REVENDICATIONS.  

 

A. Une identité à la fois oppressante et subversive.  

B. Un genre mis à mal et questionné.  

C. Des mises en scène novatrices appliquées à la photographie.  

 

[1] ARBOR Anne, Interfaces. Women / Autobiography / Image / Performance, Michigan, The University of Michigan Press, 2002, page 274.

INTRODUCTION

« Le médium photographique propose la meilleure arène pour le jeu du genre et de la sexualité. Le lancement technologique des moyens de reproductions photographiques correspond (non pas par accident) au déploiement pendant le XIXe siècle de l’héritage de l’exaltation de l’individu par les Lumières. La montée des mythologies de soi autant dans la psychanalyse que dans le capitalisme coïncide avec la volonté de refléter chaque être en soi, aussi bien que de le promouvoir dans le monde extérieur. »[1]

 

  • 1894-1954.

  • Inscription de Claude Cahun en tant que femmedans cette thématique.

  • Ecrivain connu pour son récit autobiographique Aveux non avenus (1930) et photographe française. 

  • Véritable nom : Lucy Schwob. Pseudonyme « Claude Cahun » adopté en 1917[2]parmi l’utilisation d’autres appellations. Marqueur d’ambiguïté de l’identité et du genre.

  • De tradition littéraire : père Maurice Schwob dirigeant le journal Le Phare de la Loire et oncle Marcel Schwob ayant notamment écrit les Vies imaginaires (dans la lignée des Vies de Vasari)[3]. Grand-père ayant côtoyé Flaubert. 

  • Mère internée en hôpital psychiatrique influençant l’œuvre de Claude Cahun[4]. 

  • Manifestation d’un goût pour les sujets touchant à la sexualité et à l’homosexualité7 :

  • Traduction de l’essai sur la sexologie d’Havelock Ellis (intérêt pour la question du troisième sexe).

  • Traduction et défense de la pièce « Salomé » d’Oscar Wilde dans le Mercure de France.

  • Participation au journal homosexuel Amitié puis Inversions : liberté sexuelle prônée.

  • En couple avec Marcel Moore alias Suzanne Malherbe : fille de la seconde épouse de Maurice Schwob donc demi-sœur de Claude. (Autres couples prégnants : Virginia Woolf et Vita Sackville-West ; Gertrude Stein et Alice B. Toklas ; Marguerite Yourcenar et Grace Frick)7.

  • La plupart des œuvres réalisées par Claude Cahun interrogeant parfois la participation de Marcel Moore(photomontages) et destinée à rester privée.

 

  • « Mode féminine de l’entre-deux-guerres »[5] : androgynie, ambiguïté, homosexualité féminine prônées. 

 

  • Appropriation par les femmes des codes vestimentaires et comportementaux masculins. En littérature : Victor Margueritte, La Garçonne, 1922 et Colette, Le Pur et l’Impur, 1932.

 

  • Impliquée dans le mouvement surréaliste : « Le Surréalisme était profondément engagé dans l’investissement du corps, la sexualité, et la nature du désir. »[6]

 

  • Rencontre et amie avec René Crevel, Henri Michaux, Robert Desnos et André Breton (malgré son homophobie).

  • Femmes : volonté d’émancipation. Vive participation dans l’art mais souvent minorée voire réduite à des seules apparitions en tant qu’objets de désir.

  • Cahun : productions d’œuvres surréalistes autour de la photographie et de la mise en scène d’objets.

  • 1936 : participation à l’Exposition surréaliste d’objets à la Galerie Charles Ratton à Paris. Rédaction d’un texte commandé par André Breton à cet effet[7].

 

  • Claude Cahun : figure de l’artiste oubliée et censurée.

 

  • Années 1960-1970 : photographe ressortant et commençant à être revendiquée par les protagonistes du body art, du féminisme et de la mouvance queer. 

  • Réévaluation totale de sa production tardive : années 1980-1990 avec notamment François Leperlier, son biographe.

De quelles manières Claude Cahun transcende-t-elle le mouvement surréaliste en tant que femme photographe revendiquée pour évoquer les différentes polarités de l’identité et du genre mises en scène ? Comment annonce-t-elle ces thématiques comme leitmotivs de la création contemporaine ?

 

[1]BLESSING Jennifer (dir.), Rrose is a Rrose is a Rrose. Gender performance in photography, cat. exp., New York, Hardcover edition, 1997, page 8 (“The medium of photography yields the perfect arena for the play of gender and sexuality. The technological inception of photographics means of reproduction corresponds (not by accident) with the nineteenth-century unfolding of the legacy of the Enlightenment's exaltation of the individual. The rise of mythologies of the self such as psychoanalysis and capitalism coincide with the technological means to reflect each being unto itself, as well as to promote it in the world without.”).

[2]JEU DE PAUME, « Claude Cahun », Youtube [en ligne], consulté le 21 janvier 2017. URL : https://www.youtube.com/watch?v=v7QXL2fiAKQ.

[3]CANITROT Armelle, « CAHUN CLAUDE - (1894-1954) ». In Universalis éducation [en ligne]. Encyclopædia Universalis, consulté le 21 janvier 2017. Disponible sur http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/claude-cahun/.

[4]MUZZARELLI Federica, op.cit., pages 175-176.

[5]LEPERLIER François, Claude Cahun. L’Exotisme intérieur, op.cit., page 82.

[6]BLESSING Jennifer (dir.), op.cit., page 63 (“Surrealism was profoundly engaged in investigating the body, sexuality, and the nature of desire.”).

[7]CANITROT Armelle, op.cit.

Chana ORLOFF, Buste de Claude Cahun, bronze, 1921.

I. La subversion de l’identité prônée par une subversion du médium photographique.

A. L’appropriation contestataire d’un médium autrefois apanage masculin.

N. Rosemblum, A History of Women Photographers, NY, Abbeville Press, 1994, rééd. 2000, p. 56 :

« [La photographie] le médium qui devint acceptable pour les femmes parce que leur position au sein de la société et leur perception de leur corps étaient en train de changer. »[1]

 

[1]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 21.

  • Proximité femmes / photographie : revendication du corps et de l’identité. Photographie en tant que « signe-indice »[1]marquant la réalité d’une image.

  • Usage d’un médium masculin (technicité) pour affirmer la diversité des identités et la place propre de la femme au sein de la société (volonté d’accéder au même statut que les photographes hommes). Nécessité du regard extérieur pour mettre en action, faire approuver une existence, tout en s’émancipant du regard des hommes dans la création en s’auto-portraiturant[2]elles-mêmes.  

  • Analogie photographie / femme :

  • Photographie longtemps supplantée par le primat de la peinture avant de s’imposer sur la scène artistique (et sur une multitude d’autres scènes).

  • Femme effacée par une société largement masculine et tenant dès les années 1920 de se faire une place.

  • XIXe siècle : Clementina Hawarden témoignant d’une « frustration identitaire »[3]au sein de la société victorienne mise en exergue par l’usage de la photographie. 

  • Oppression de la femme nourrissant des créations plus avant-gardistes et libres[4]. 

 

[1]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 10.

[2]Ibidem, page 19.

[3]Ibidem, page 73.

[4]Ibidem. page 177

Clementina Hawarden, 

« On eithersideof the mirroranotherworld », 

1862-63.

  • Claude Cahun considérée par F. Leperlier comme « la seule femme photographe surréaliste »[1](parti pris). Opposition avec d’autres figures importantes : Dora Maar et Meret Oppenheim notamment. Nuance établie sur le rôle de la femme comme muse / « objet de désir forcément hétérosexuel »[2].

 

  • Exemple d’œuvre évocatrice du primat masculin sur la femme : Marcel Mariën, Muette et aveugle, me voici habillée des pensées que tu me prêtes, 1940-1945, Épreuve à la gélatine-argentique, tirage d’époque, 8,7 x 6,7cm, Dépôt au musée de la Photographie, Charleroi, Belgique[3]. Thématique du dos érotique : Man Ray, Le Violon d’Ingres, 1924.

  • Apparition de la femme en tant qu’agent artistique dans le Surréalisme au travers de l’engagement politique : mouvement Contre-Attaque. 

 

[1]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 181.

[2]GONNARD Catherine et LEBOVICI Élisabeth, Femmes artistes / Artistes femmes. Paris, de 1880 à nos jours, Paris, Hazan, 2007, page 170.

[3]BAJAC Quentin, CHÉROUX Clément, LE GALL Guillaume, MICHAUD Philippe-Alain et POIVERT Michel, La subversion des images. Surréalisme, photographie, film, [fascicule], Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2009, page 16.

Man Ray, Érotique voilée – Meret Oppenheim,

1933, Épreuve à la gélatine argentique,37.5 x 26.3 cm. 

Marcel Mariën, Muette et aveugle, me voici habillée des pensées que tu me prêtes, 1940-1945, épreuve à la gélatine-argentique, tirage d’époque, 8,7 x 6,7cm. 

Claude Cahun : une technique photographique originale

  • Refus d’exploiter le progrès technique => usage quasi-unique d’un Kodak Pocket Camera. Majorité d’œuvres en noir et blanc[1].

  • Noir et blanc : « the negative is the original part of the creative process. »[2]

  • Rappel :

  • 1900 : première révolution Kodak. 

  • 1937 : seconde révolution Kodak.

 

« Autant elle répugne au procédé exploité pour lui-même, autant elle aime à explorer les possibilités de l’expression photographique : dans ses genres (autoportrait, mise en scène éphémères d’objets, instantané, photomontage), comme dans ses formules (symétrie, jeu de miroir, distorsion, inclusion, superposition). »[3]

 

  • Toute la technicité du médium œuvre à une expression artistique franche. Effacement du technique au profit de la démarche artistique. 

 

« The evidence suggests that Cahun through her own volition was not a professional photographer but used the camera to create her art. »[4]

 

  • Souvent : usage de la lumière du jour.

  • Impression que le cliché ici : légèrement sur exposé => pâleur voulue ? 

  • Pratique amateur poussé au rang d’artiste ? :

  • Tronquage du cadre : pieds coupés.

  • Large bande vide au-dessus de la tête.

 

« The light is never used in a sophisticated way to imitate daylight effects, but is used theatrically to create dramatic lighting more usually seen in films or the theatre. The effect often illuminates the subject from below the face to highlight the sinister appearance. »[5]

 

  • Parfois sollicitation de laboratoires extérieurs pour développer les clichés[6]. 

 

[1]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 185.

[2]DOWNIE Louise, Don’t Kiss Me. The Art of Claude Cahun and Marcel Moore, Londres, Tate Publishing, 2006, page 46.

[3]LEPERLIER François (dir.), Claude Cahun photographe. Claude Cahun 1894-1954, cat. exp., Paris, Édition Jean-Michel Place, 1995, page 14.

[4]DOWNIE Louise, op. cit., page 46.

[5]Ibidem, page 49.

[6]Ibidem, page 55.

B. Interroger l’identité sexuelle : le détournement du médium photographique…

Alice Austen, Julia Martin, Julia Bredtand Self Dressedup as Men, 15 octobre 1891, New York, StatenIsland Historical Society.

Man Ray, Marcel Duchamp en Rrose Sélavy, 1921.

« La photographie devient ainsi l’arme qui promeut l’imaginaire du travestissement. »[1]

 

  • Ambiguïté prégnante : hésitation entre un homme et une femme de prime abord.

  • Aucun attribut féminin visible : maquillage renforçant le travestissement et la mascarade.

  • Cheveux courts plaqués : réadaptation d’une coupe garçonne.

  • Tenue mixte (chaussures de spectacle, juste-au-corps) : sorte de mime (lignée du mime Debureau). 

  • Taille non marquée mais dissimulée sous une ceinture de tissu et un short noir. Circulation du regard, voire regard encadré par les différents éléments noirs (chaussures, « guêtres », short, manchettes, haltère, pans de tissu noir).

  • Figure récurrente de l’individu travesti :

  • Marcel Duchamp en Rrose Sélavy en 1920 photographié par Man Ray. 

  • Le personnage d’Orlando dans le roman éponyme de Virginia Woolf, 1928.

  • Alice Austen, Julia Martin, Julia Bredt and Self Dressed up as Men, 15 octobre 1891, New York, Staten Island Historical Society.

  • « imposer le genre masculin/féminin comme une imitation »[2] : paradoxe résidant dans le dynamisme de l’image + imitation appuyée par le travestissement en pantomime appelant à la parodie (bouche en cœur, cœurs dessinant ses joues, mèches) :

  • Haut du corps et surtout la tête : impression de langueur renvoyant au genre féminin.

  • Bas du corps : dynamique sportive (toutefois arrêtée le temps de la pose : hiératisme révélant l’imposture) renvoyant au genre masculin.

  • Autoportrait revendiquant une identité homosexuelle originale : subversion des codes de l’apparence (vus précédemment). Mise à mal de l’image.

  • Cercles brodés au niveau des seins (« Des seins ? peut-être mais signifiés par un motif cousu sur un pull-over. »)[3]contrastant avec la relative platitude de son torse : marqueur de travestissement ambigu[4]. 

  • Transgression appuyée par la phrase « I AM IN TRAINING DON’T KISS ME ».

  • Performance de l’identité homosexuelle se rapportant à l’injonction de Claude Cahun : « Au fond, si la sexualité demande qu’on se détermine, Claude Cahun lui demande de n’en rien faire et de rester idéalement atypique, polymorphe, simultanée, exorbitante. Elle lui demande d’avouer ce qu’elle ne saurait cesser d’être : une réalité proprement imaginaire. »[5]

  • Butler à propos de l’homosexualité : « un état pollué, à la fois incivil et non naturel »[6] : permettre toutes les excentricités possibles à Cahun. 

 

[1]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 20.

[2]LEPERLIER François (dir.), Claude Cahun photographe. Claude Cahun 1894-1954, cat. exp., op. cit., page 41.

[3]Ibidem.

[4]MUZZARELLI Federica, op.cit., pages 190-191.

[5]LEPERLIER François, Claude Cahun. L’Exotisme intérieur, op.cit., page 101.

[6]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 18 (in Gender Trouble : Feminism and the Subversion of the Identity, New York, Routledge, 1990, p. 132).

COMPARAISON :

Florence Henri, Autoportrait, 1928, Paris, BnF. [1]

  • Œuvre contemporaine : présence de deux boules renvoyant d’une part à la dualité de l’identité.

  • ET symbole phallique rappelant l’omniprésence de la figure masculine.

  • OR ici : deux boules complètement équilibrée. Identité et genre de la femme ne penchant vers aucun pôle (féminin ou masculin) et se trouvant à mi-chemin d’un genre incertain : la neutralité.

 

[1]POHLMANN Ulrich (dir.), Qui a peur des femmes photographes ?, cat. exp., Paris, Musée d’Orsay / Éditions Hazan, 2015, page 23.

C. …Aboutissant à un dépassement du genre.

Virgina Woolf : « The Great Mind is Androgynous »[1]

 

  • Au-delà du travestissement : androgynie (ne se situer dans aucun genre) => ambiguïté.

« la figure de l’androgyne, hors norme, hors la loi, le troisième sexe, l’impossible, ange ou démon ! »[2]

 

  • Permettre à Cahun de transgresser toutes les normes, aussi bien dans du genre que dans la société globalement (apparence physique mutante). 

  • ICI : expérimentations menant à la création et à la mise en forme d’un « troisième genre » = « le sexe de l’ange »[3]où la neutralité devient la règle de base. 

  • Claude Cahun en tant qu’ange : révélation d’une neutralité possible et vécue. 

  • Performance du genre (cf. Butler) autour d’une performance esthétique. 

 

« Brouiller les cartes. Masculin ? Féminin ? Mais ça dépend des cas. Neutre est le seul genre qui me convienne toujours. »[4]

  • Volonté de perdre le regardeur dans son essence : évanescence de l’identité et du genre. 

  • AUSSI regard objectif de Claude Cahun suscitant de manière rhétorique le questionnement du regardeur. 

 

[1]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 18.

[2]LEPERLIER François (dir.), Claude Cahun photographe. Claude Cahun 1894-1954, cat. exp., op. cit., page 11.

[3]Ibidem.

[4]JEU DE PAUME, « Claude Cahun », op. cit

  • Interrogation photographique de l’identité et du genre de manière bien dissociée. 

  • Mise à mal du médium d’un point de vue esthétique et du regardeur d’un point de vue éthique. 

  • Ambiguïtés empêchant au final de classer Claude Cahun dans n’importe quelle case : instabilité désirée. 

  • Parodie de l’identité et du genre : théâtralité de la représentation. 

II. Autour de la mise en scène photographique de soi : entre mascarade et narcissisme.

A. Le « moi-peau » du corps support.

  • Surréalistes : utilisation du corps comme support d’expérimentations hypnotiques à visées introspectives. 

 

« Mon corps me sert de transition. »[1]

 

  • Expression du « moi-peau » énoncée par Didier Anzieu (psychanalyste) : moi profondément attaché à sa peau et qui, paradoxalement, souhaite s’en décoller, s’en émanciper pour prendre sa propre autonomie en pensées. 

  • Corps comme support d’expérimentations (de l’identité et du genre, précédemment). 

  • Mise à mal du corps comme support : maltraitances (Cahun sujette à l’anorexie)[2]

  • Position hiératique inconfortable : soumission à l’appareil photographique. De ce fait soumission au regard (du spectateur)incarnant celui de la société (et d’une société patriarcale de surcroît).

  • Distorsion du bassin procurant une impression de coupe horizontale du corps = rupture dans l’image agencée autour de pans verticaux. Écho avec la barre de l’haltère. Image cadrée géométriquement autour de ruptures linéaires renvoyant à celles engendrées par Cahun à son époque. 

  • Impression de « chorégraphie immobile »[3]suppliciée toute en mélancolie. Etonner le spectateur par l’extrême calme se dégageant du cliché malgré la force véhiculée (le supposé poids de l’haltère, l’idée proposée…). Sorte de dynamisme hiéroglyphique. 

 

[1]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 189.

[2]ARBOR Anne, Interfaces. Women / Autobiography / Image / Performance, op. cit., pages 270-274.

[3]LEPERLIER François, Claude Cahun. L’Exotisme intérieur, op.cit., page 161.

  • Soumission du corps à l’idée. Volonté de transcender le corps pour atteindre une réalité plus spirituelle et détachée de la trivialité des codes générés par la société.

  • Excessivité des idées se traduisant par une excessive exécration du corps : 

 

« La parure, le maquillage, le masque, mais aussi la dénudation, le dépouillement, traduisent autant un déni – « Mon corps humiliait bien souvent ma pensée. Mon corps mal construit, aux révoltes sans grâce. » »[1]

 

« Je déguisai mon âme. Je frottai tant pour nettoyer que j’enlevai la peau. Et mon âme, comme un visage écorché, à vif, n’avait plus de forme humaine. »[2]

 

  • Absence d’arrière-plan (similaire à des portraits surréalistes de Desnos, Michaux, Jacqueline et André Breton) : interrogation de l’épaisseur du personnage mis en scène.[3]

  • Soit un aspect physique présent, voire trop présent et maltraité. 

  • Soit un aspect physique s’effaçant derrière l’idée défendue.

  • Absence de perspective et matériaux triviaux contraignant le regard (du spectateur)à se fixer sur la scène (tandis que Cahun ne se fixe dans aucune case).

 

  • Corps détourné comme l’identité et le genre car il en est le support.

  • Corps caché et dépouillé sous des vêtements informes ; voire se fondant dans le décor mis en scène. 

  • Au final : effacement du corps au profit de l’idée qu’il dégage. 

 

[1]Ibidem, page 165.

[2]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 195.

[3]LEPERLIER François (dir.), Claude Cahun photographe. Claude Cahun 1894-1954, cat. exp., op. cit., page 18.

B. Le cadre photographique comme espace de parade.

« La liturgie du masque, la mascarade, est au cœur de la mise en scène de soi. »[1]

 

« Il y a un devenir-masque du corps comme un devenir-image du sujet. »[2]

 

  • Tradition de l’autoportrait mais ici interrogeant la limite du sujet-objet (même thématique dans la littérature du XXe siècle). 

  • Sujet : se représente elle-même (pour elle-même).

  • Objet : se donne à voir dans une mise en scène réfléchie. Création d’un personnage théâtral. (Se représente pour Marcel Moore dans le cadre de photographies privées).

  • Se connaître / connaître le monde en accord avec une volonté de s’exprimer et d’exprimer le monde (Simone de Beauvoir)42.

  • Confusion d’autant plus présente par l’utilisation de pseudonymes. Et création d’un personnage contribuant à la mythification de Claude Cahun :

 

« Changer de nom, c’est changer de masque selon un mouvement intime qui associe dialectiquement le travestissement et le dévoilement – Aveux non avenus ! »[3]

« L’identification légendaire ou mythologique entre dans la logique du changement de nom et de mise en scène de soi. »[4]

 

 

  • Aspect amovible du décor : découpe du personnage possible et transmutable. 

  • Jeu scénique important : pantomime/automate, position hiératique, gestualité et expressivité du visage et du corps fortes. Economie de matériel au profit d’un message direct. Impression d’une poupée désarticulée (cf. œuvres surréalistes d’objets de Claude Cahun et Hans Bellmer)[5]. 

  • « théâtralisation dans l’image ».[6]

  • Etablir un théâtre en tant que performance de la vie. 

  • Interrogation de la beauté, des canons esthétiques par le biais du spectacle de soi (« transfiguration de soi »)[7].

  • Psychanalyste Joan Rivière définissant en 1929 la notion de « Masquarade » : individus sur-féminisés dans un environnement masculin. 

  • Reprise de la notion par Cahun pour l’appliquer en tant que « mascarade » : théâtralité rendant vain les stéréotypes et appelant à l’ « interchangeabilité des identités »[8].

  • Claude Lévi-Strauss : division intérieure de l’individu compréhensible à la lecture du visage. Autrement dit, chaque individu dans chaque société possède une manière propre de décorer son visage (de le tatouer). Visage prédestiné à être décoré pour devenir le siège de la « signification mystique ». Existence du visage seulement à travers la décoration. « le concept de masque nous donne la clé de son interprétation ».[9]

 

 

« C’est aussi ce que nous enseignent le maquillage, la coiffure, la parure, tout ce qui, selon Baudelaire, vise à la « réformation de la nature » et « rapproche immédiatement l’être humain de la statue, c’est-à-dire d’un être divin et supérieur. » (in Eloge du maquillage) Le masque exalte cette intime étrangeté, cette part maudite– divineou monstrueuse–, en même temps qu’il prend le risque ultime du dessaisissement et de la perte. »[10]

 

« La couturière est à nouveau elle, et l’état de carnaval perpétuelest son défilé d’autoportraits. »[11]

 

 

  • Difformité causée à la fois par la contorsion du corps mais aussi par le maquillage outrancier, comme pour souligner ses traits à l’instar des acteurs. 

 

[1]Ibidem, page 166.

[2]Ibidem, page 168.

[3]LEPERLIER François (dir.), Claude Cahun photographe. Claude Cahun 1894-1954, cat. exp., op. cit., page 19.

[4]Ibidem, page 74.

[5]Ibidem, page 165.

[6]Ibidem, page 21.

[7]Ibidem, page 169.

[8]Ibidem, page 17.

[9]DOY Gen, Claude Cahun. A Sensual Politics of Photography, Londres, I. B. TAURIS, 2007, page 48.

[10]LEPERLIER François, Claude Cahun. L’Exotisme intérieur, op.cit., page 168.

[11]ARBOR Anne, Interfaces. Women / Autobiography / Image / Performance, op. cit., page 278 (“the costume designer is she again, and the state of perpetual carnival is her parade of self-portraits.”).

C. Un rituel narcissique.

« Le miroir de la photographie lui sert régulièrement à confirmer son altérité, son être dans sa différence, sa faculté à faire le caméléon. »[1] 

 

  • Omniprésence de la question du miroir. 

  • Techniquement : miroir de la chambre photographique => projection de l’image sur la surface sensible pendant la prise de vue.

  • Artistiquement : duplication de l’autoportrait de Cahun pour interroger son moi. 

Usage de la photographie comme une « trace fidèle [à nuancer] de soi ».[2]

 

 

« Le mythe de Narcisse est partout. Il nous hante. Il a sans cesse inspiré ce qui perfectionne la vie, depuis le jour fatal où fut captée l’onde sans ride. »[3]

 

  • Ici : reflet de Claude Cahun se regardant elle-même avant tout.

  • Possibilité que le cliché ait été pris par Marcel Moore (cadre de production privée) : Lacan proclamant que c’est un moyen de refléter une construction fragmentaire puis entière de l’identité au travers de son acolyte (exemples : Alice Austen, Hannah Höch).[4]

 

  • Mise en scène théâtrale par le biais de la photographie : mieux représenter un simulacre du genre et de l’identité au sens général.

  • Maltraitance du corps en tant que support pour amplifier le primat de l’idée.

  • Assumer la mascarade comme élément inhérent à la pratique de l’autoportrait.

  • Jeu de soi mystique et obsessionnel comme projection d’une « image kaléidoscopique »[5].

 

[1]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 192.

[2]Ibidem, page 18.

[3]ALIAGA Juan Vincente et LEPERLIER François, Claude Cahun, cat. exp., Paris, Éditions Hazan/Éditions du Jeu de Paume, 2011, page 8.

[4]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 240.

[5]LEPERLIER François, Claude Cahun. L’Exotisme intérieur, op.cit., page 43.

III. Réactivation du « mythe » Claude Cahun en tant que précurseur et figure de proue de nouvelles revendications.

  • Artiste Claude Cahun apparaissant de nouveau dès les revendications des acteurs du body art : années 1960-1970.

  • Identité générale et sexuelle, genre, travestissement du médium photographique dans ses techniques : assurer pérennité des contestations, nourries au fil des réflexions sur la société.

  • Traitement du corps de et par l’artiste résultant d’une « tension constante entre les mécanismes du pouvoir et les techniques de résistance[1] » (Michel Féher, philosophe français).

  • Corps : médium artistique cathartique se réinventant comme « espace social »[2]pour pallier à toute réification. Catharsis culturelle et identitaire. 

  • Corps induisant un nouveau rapport au réel : déplacer l’individu de l’état passif à actif. 

  • Période de révolutions sexuelles : rénovation des mœurs. (Philippe Dagen : « l’incertitude, la plasticité et la mutabilité des mœurs et des corps[3] »).

 

[1]JONES Amelia et WARR Tracey, Le corps de l’artiste, Paris, Phaidon, 20112, page 23.

[2]Ibidem, page 19 (dans LEFEBVRE Henri, La Production de l’espace, Paris, Anthropos, 2000).

[3]DAGEN Philippe, L’art dans le monde de 1960 à nos jours, Paris, Éditions Hazan, 2012, page 176.

A. Une identité à la fois ambiguë et oppressante.

Self-deceit#1, Rome, Italie, 1978 © George and Betty Woodman.

WOODMAN Francesca [1]

  • Photographe américaine (1958-1981) : pratique de l’autoportrait.

  • « elle fait de la photographie sa seconde peau » : desquamation de son identité et de son moi au travers d’un usage original de la photographie.

  • Influencée par le Symbolisme et le Surréalisme (présence de miroirs, d’accessoires). 

  • À l’instar de Claude Cahun : mêler écriture et processus photographique. 

  • Esthétique de la mise en scène de l’identité, du corps, de la spatialité. Esprit se dilatant dans l’espace, quasi-spectral. 

  • Métamorphoses du corps interrogeant le genre et l’appréhension du temps : prôner la non-fixation. Sorte d’ange hybride comme Cahun (« À elle-même son propre bourreau, à elle-même son propre démiurge. »[2])

 

[1]Sn, « Francesca Woodman. On Being an Angel ». In Fondation Henri Cartier-Bresson, consulté le 31 janvier 2017, Disponible sur http://www.henricartierbresson.org/expositions/francesca-woodman/.

[2]LEPERLIER François (dir.), Claude Cahun photographe. Claude Cahun 1894-1954, op. cit., page 15.

ORLAN [1]

  • Artiste-plasticienne française.

  • Usage des nouveaux médias pour les mettre à mal : vidéos et photographies d’opérations chirurgicales (« art charnel ») retransmises. « Le bloc opératoire était en même temps mon atelier d’artiste, d’où fabriquerdes photos, de la vidéo, du film, des objets, des dessins faits avec mes doigts et mon sang, des reliquaires avec ma chair, etc. » Mise à mal des stéréotypes de la beauté.

  • Positions subversives, provocatrices et transgressives du corps : interrogation des multiples polarités de l’identité inhérentes à la société (malnutrition, rapport à la technologie, sida…). 

  • Thématique du masque, de l’hybridité et de la métamorphose. Corps comme support de cultures antérieures. 

 

[1]ANÉ Claire, « Orlan artiste : ‘Mon corps est devenu un lieu de débat’ ». In Le Monde [en ligne], mise en ligne le 22 mars 2004, consulté le 31 janvier 2017. Disponible sur http://www.lemonde.fr/vous/article/2004/03/22/orlan-artiste-mon-corps-est-devenu-un-lieu-public-de-debat_357850_3238.html.

SHERMAN Cindy 

 

 

  • Artiste et photographe américaine. Série de mises en scène depuis 1977.

  • Questionnement de l’identité : revêtir de multiples masques (Amelia Jones : « elle prend des masques pour devenir photographiable, pour être vue »)[1]. Performance et affirmation fragmentée de l’identité. 

  • Idée de readymade photographique identitaire : reprendre certaines figues mythiques et historiques (réappropriations). 

 

« Chacune se photographie, se met en scène non pour fabriquer de soi une image reconnaissable, mais au contraire pour se dissoudre dans des rôles empruntés, dans des citations d’images, des jeux de miroirs infinis, dans l’informe. Ces personnages dénoncent moins qu’ils ne montrent le caractère codé de toute représentation féminine, laquelle est, dans notre culture de l’image, devenue « cliché-femme », l’image produisant la féminité et non le contraire. »[2]

 

  • Important dialogue avec l’œuvre de Claude Cahun mis en valeur dans l’exposition « Fémininmasculin » au Centre Pompidou en 1995-1996[3].

  • Interrogation plus globale de Sherman par rapport à l’œuvre personnelle de Cahun.

Untitled#193, 1989, New York, MoMA.

« Tandis que Sherman met en scène des rôles multiples, Cahun met en scène des multiples en soi. »[4]

 

  • Prolongement perceptible dans l’usage de la poupée : de Claude Cahun et d’Hans Bellmer à Cindy Sherman. 

 

[1]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 17.

[2]GONNARD Catherine et LEBOVICI Élisabeth, op. cit., page 392.

[3]BERNADAC Marie-Laure et MARCADÉ Bernard, Fémininmasculin. Le sexe de l’art, cat. exp., Paris, Gallimard/Électa-Éditions du Centre Pompidou, 1995. 

[4]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 198.

NESHAT Shirin 

 

  • Artiste photographe et vidéaste iranienne.

  • Questionnement de l’identité de la femme dans la culture islamique.

  • Usage de l’écriture et de la photographie pour suggérer l’ambiguïté de la position de la femme au sein de sa société. 

  • Photographier ses mains et ses yeux comme vecteurs de contestations des stéréotypes véhiculés. 

  • Prégnance du revolver dans ses photographies : tuer les clichés ? tuer l’identité féminine ? 

B. Un genre mis à mal et questionné.

À propos de Judith Butler, 1990 : 

« Elle argumenta que le genre (masculin/féminin) était bien trop vu comme une extension de nos biologies sexuelles (mâle/femelle), comme une caractéristique ‘naturelle’, mais que ce n’était ni naturel ni fixé, c’était ‘non-naturel’, une construction sociale que les individus acquièrent et avec laquelle ensuite ils dédient leur désir (pour l’autre genre) ».

 

  • Généalogie du travestissement et du questionnement du genre : du mythe androgyne prôné chez les Symbolistes au personnage de Rrose Sélavy. 

  • Non-fixation du genre. Performance du genre. 

  • Mutations de l’individu : mieux comprendre sa structure en l’imitant, le décomposant.

  • « un genre multiple et hybride »[1].

  • Récurrence du regard vers l’objectif : sollicitation du spectateur. Approuver / Réprouver / Interroger.

  • Existences purement photographiques. 

 

[1]LORD Catherine et MEYER Richard, Art & Queer Culture, New York, Phaidon Press Limited, 2013, page 42 (« a multi-gendered hybrid »).

MOLINIER Pierre (1900-1976), L’Aiguillon de l’amour, 1966-1968 (se campe en hermaphrodite).

  • Photographe, peintre, poète français.

  • Contemporain de Claude Cahun.

  • Liens avec le Surréalisme.

  • Œuvre remarquable basée sur le travestissement, l’androgynie, le fétichisme et l’illusion des genres : mascarade et masques (guêpières, bas-résilles, escarpins…). 

  • Années 1960 : se consacre entièrement à la métamorphose du corps en parallèle avec les revendications portées sur la scène sociale. 

WARHOL Andy (1928-1987), Self-Portrait in Drag ou Autoportrait en travesti, 1981.

  • Artiste américain.

  • « Je suis sûr qu’en me regardant dans un miroir, je ne verrai rien. Les gens disent toujours que je suis un miroir, et si un miroir se regarde dans un miroir, que peut-il y trouver ? »[1]

  • Pratique du travestissement : volonté de dépasser les clivages.

  • Se positionner en tant que reflet de la condition de la société. 

 

[1]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 194 ((in A. Warhol, La philosophie d’Andy Wharol de A à Z, Paris, Flammarion, 1977).

JOURNIAC Michel (1935-1995).

  • Artiste-plasticien français.

  • Mêler travestissement et transsexualité. 

  • Aussi travestissement en rapport avec la mascarade : déguisement en prêtre lors de la performance « Messe pour un corps ».

MORIMURA Yasumasa, Doublonnage (Marcel), 1988.

  • Artiste-photographe japonais. Liens possibles avec Cindy Sherman. 

  • Hommage à / Parodie de Marcel Duchamp et à son personnage de Rrose Sélavy : établir une relation de mythologie personnelle. 

  • Travestissement du genre et travestissement de la culture : gémellité/dualité, dédoublement de l’individu ? Duplication de l’identité et du genre dans le temps et dans l’espace ?  

  • Mascarade et imitation des polarités féminines / masculines.

  • Interrogation de l’identité culturelle. Mêler les couleurs de peau.

SIEVERDING Katharina.[1]

  • Non-fixation du genre : androgynie.

  • Usage de la technique photographique : superposition d’autres clichés sur son visage.

  • Donc thématique du masque rénovée.

  • Photographies utilisées relevant de l’ambiguïté androgyne : David Bowie, Lou Reed, Lüthi… 

  • Reprise d’une réflexion positiviste moderne : plaquer au visage l’équivocité du genre. 

 

DELRUE Arnaud.[2]

  • Artiste français. 

  • Travestissement mêlé à l’exploitation de l’image numérique : exploiter le « Je est un autre » de Rimbaud.

  • Elaboration d’une mythologie individuelle passant par une mise en scène du corps. 

  • « Arnaud Delrue qui, ne se satisfaisant pas d’être une seule chose à la fois (un garçon biologique) a conçu de s’exposer en moult versions filles de lui-même. »

  • Abandon de la bipolarité fille / garçon.

 

[1]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 198.

[2]LE FORT Gérard, « Féminin singulier ». In Libération [en ligne], mise en ligne le 20 août 2007, consulté le 31 janvier 2017, Disponible sur http://www.liberation.fr/grand-angle/2007/08/20/feminin-singulier_100159.

LÜTHI Urs et Hecky, Self-portrait with Hecky, 1974 (production en couple).

  • Artiste suisse.

  • Autoportrait avec figure du double Self-portrait with Hecky, 1974. Travestissement et masque. 

  • Cahun utilisant la figure de Moore comme miroir : volonté de souligner la difficulté existentielle de la quête du genre et de l’identité.

THOMADAKI Katerina et KLONARIS Maria (production en duo).

  • Artistes cinéastes. 

  • Application de la thématique androgyne à la vidéo : projet « Orlando – Hermaphrodite II » au Centre Georges Pompidou.

  • Mythologie du personnage neutre : Orlando de Virginia Woolf rythmé par une relecture du récit Les Vagues : témoignage de l’oscillation du genre. 

 

GILBERT & GEORGE (production en couple).

  • Utilisation et démultiplication de l’autoportrait au sein d’une production variée.

  • Maquillage et mascarade. 

EVA & ADELE, série « POLAROID DIARY »,1991-2005 (production en couple).

  • Artistes allemandes. 

  • Prophétisme hermaphrodite et complète appariation du corps-support : nommées les « Jumelles Hermaphrodites de l’Art Contemporain ». 

  • Volonté d’effacer les différences et la binarité du genre : pratiques extrêmes du corps et de l’apparence (cheveux rasés, maquillage outrancier). Opération d’Eva pour devenir femme. 

  • Thématique du masque comme fil conducteur mise en avant par leur production de polaroïds quotidienne (comparaison avec la production de Cahun comme « almanach journalier »[1]).

  • Fusion de l’art et de la vie. 

  • Œuvre politique poursuivant l’expression artistique de l’identité et du genre. 

 

[1]LEPERLIER François (dir.), Claude Cahun photographe. Claude Cahun 1894-1954, op. cit., page 19.

C. Des mises en scène novatrices appliquées à la photographie.

  • Cahun : photographie = mise en scène de soi et des apparences (« une scénographie des apparences »[1]).

  • Dilatation de soi en tant que personnage et protagoniste de sa propre histoire : création d’un journal photographique fidèle qui retracerait une évolution de l’individu. Sorte de journal intime. 

  • Application du médium photographique à des créations contemporaines portant à la mythologie de l’individu au travers d’installations photographiques. 

  • Ainsi : à chaque époque une appropriation et déclinaison propre du médium (Cahun : autoportraits réguliers théâtralisés). 

 

  • Ici : réflexion globale sur l’identité et le positionnement dans la société. 

  • Mais pugnacité d’une identité re-présentée. 

 

[1]LEPERLIER François, Claude Cahun, Paris, Nathan, Collection « Photo Poche », 1999.

FLEISCHER Alain :

  • Ecrivain, photographe, cinéaste et plasticien français. 

  • Esprit de la vaine surréaliste : mises en scène d’objet tronquant l’identité. 

  • Démultiplication de l’identité : utilisation de l’argenterie comme miroir tranchant l’individu. 

  • Projection dans un univers initialement féminin : homme s’interrogeant sur sa position et sur celle des femmes l’entourant.

 

La grand-mère que je n’ai pas connue, 1984, Paris, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (à gauche).

La ménagère, 1984, Paris, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (à droite).

BOLTANSKI Christian :

  • Artiste plasticien français. 

  • Travail de la mémoire affective et singulière.

  • Accumulation de souvenirs passant par l’expérimentation photographique et la mise en scène :

  • « Saynètes comiques », 1974, Le mariage des parents. Photographie. Montage de 3 épreuves aux sels d'argent et texte à l'encre blanche sur carton noir 37,9 x 71 cm. Chaque photo : 28,5 x 18,3 cm. Série placée sur l’augure de l’autobiographie humoristique et parodique.[1] (à gauche)

  • Les archives de Christian Boltanski 1965-1988, 1989, installation, 646 boites en métal contenant des documents (photos, imprimés), 34 lampes et fils électriques, Paris, MNAM (à droite).

  • Aspect plus dramatique mis en scène. Multiplier les usages divers de la photographie.75

  • Technique de l’inventaire. 

 

[1]COCK-VASSILIOU Ariane, DUSSOLLIER Iris et THIREAU Florence, « Christian Boltanski », In Centre Pompidou [en ligne], mises à jour en 2006, 2007, 2010, consulté le 31 janvier 2017, Disponible sur http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-BOLTANSKI/ENS-boltanski.htm.

CONCLUSION

« L’autoportrait photographique est la véritable constante de la vie de Claude, une sorte de vérification quotidienne. »[1]

 

  • Pratique de l’autoportrait (à titre privé) régulière : vérification du souhait de ne correspondre à aucune case stéréotypée. 

  • Pluralité des moyens d’expression : écriture (autobiographique aussi, critique, essai…), photographie, collage… reflétant cette quête de l’entre-deux, celle de ne jamais se fixer dans son identité sexuelle, son genre, son individu.

 

  • Affirmation au sein d’une société et du groupe du Surréalisme largement patriarcal. 

  • Pôle surréaliste permettant d’explorer et d’expérimenter l’inconscient pour en faire une scène à part entière. 

  • Réévaluation de la production de Claude Cahun (et prise en compte de la participation de Marcel Moore) : témoigner de son authenticité en tant qu’artiste surréaliste.

 

  • Emancipation accompagnée d’une subversion totale et générale revendiquée. 

  • Inscription dans une démarche de questionnement de l’identité et du genre traité notamment par les femmes depuis leur appropriation du médium photographique. 

  • Phase existentielle : replacer l’individu au cœur de sa réflexion (masque, mascarade, narcissisme).

  • Ambiguïté de Claude Cahun renvoyant à l’ambiguïté de l’interprétation de son œuvre : figure symptomatique des revendications queerdès les années 1960-1970 mais artiste non-classifiable, complètement autonome.

  • Toutefois : proximité accordée entre Cahun et le mouvement queer concernant une contestation en faveur de la neutralité.[2]

 

  • Années 1980-1990 : François Leperlier participant à une étude plus scientifique de l’œuvre de Cahun. 

  • Production découverte par hasard : jeu androgyne de Cahun ayant fonctionné car Leperlier l’ayant prise pour un homme à début de la lecture d’Aveux non avenus.

  • Légitimation de Claude Cahun dans l’Histoire de l’Art : nombreuses expositions découlant des recherches

  • Expositions personnelles : 

1993 : « Claude Cahun et Suzanne Malherbe » au Jersey Museum de Jersey.[3]

1995 : « Claude Cahun 1894-1954 » au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.78

2011 : « Claude Cahun » au Jeu de Paume à Paris. 

  • Expositions collectives78 :

1995 : « Fémininmasculin » au Centre Georges Pompidou, Paris.

1997 : « Double-vie double-vue » à la Fondation Cartier, Paris.

  • Présence dans les collections publiques78 : MAMVP, MNAM, Musée des Beaux-Arts de Nantes, The Jersey Museum, Los Angeles Museum, Museum Folkwang (Allemagne)…

 

[1]MUZZARELLI Federica, op.cit., page 184.

[2]JEU DE PAUME, « Claude Cahun », op. cit.

[3]LEPERLIER François, Claude Cahun, op. cit.

OUVERTURE

Exposition « Gillian Wearing & Claude Cahun. Behind the mask, another mask », 

09 mars au 29 mai 2017 à la National Portrait Gallery de Londres.

  • Exposition organisée pour le Cinquantième anniversaire de la décriminalisation partielle de l’homosexualité (masculine) en Angleterre et aux Pays de Galles. Nombreux événements culturels tournant autour de cette thématique. Aussi Soixantième anniversaire de la publication de « The Report of the Departmental Committee on Homosexual Offences and Prostitution ».[1]

 

  • Figure de Claude Cahun incontestablement analogue à une sorte de Pygmalion insufflant des idées aux artistes contemporaines.

  • G. Wearing : expérimentations corporelles à l’aide d’un polaroïd (cf. EVA & ADELE).

  • Critique de la binarité prégnante.

  • Reprise de la figure de Claude Cahun comme masque support d’interrogations. 

  • Dialectique du masque / de la mascarade.

  • Inscription dans les pas de Cahun et de ses revendications.

  • Inscription de Cahun comme une figure surréaliste marquante dans l’Histoire de l’Art. 

  • Perpétuation de l’interrogation du genre (autoportrait sous les traits de son frère).

  • Interrogation de la transmission et de la parenté (autoportraits sous les traits de ses parents).

 

[1]Sn, « About », in I am me, sd, [consulté le 04 mars 2017, en ligne], URL : http://www.npg.org.uk/whatson/i-am-me/about.

SOURCES

Article :

 

BLESSING Jennifer, « GILLIAN WEARING », in Aperture. « On feminism », n°225, Hiver 2016, p. 60.

 

 

Articles internet : 

 

ANÉ Claire, « Orlan artiste : ‘Mon corps est devenu un lieu de débat’ ». In Le Monde [en ligne], mise en ligne le 22 mars 2004, consulté le 31 janvier 2017. Disponible sur http://www.lemonde.fr/vous/article/2004/03/22/orlan-artiste-mon-corps-est-devenu-un-lieu-public-de-debat_357850_3238.html.

CANITROT Armelle, « CAHUN CLAUDE - (1894-1954) ». In Universalis éducation [en ligne]. Encyclopædia Universalis, consulté le 21 janvier 2017. Disponible sur http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/claude-cahun/.

COCK-VASSILIOU Ariane, DUSSOLLIER Iris et THIREAU Florence, « Christian Boltanski », In Centre Pompidou [en ligne], mises à jour en 2006, 2007, 2010, consulté le 31 janvier 2017, Disponible sur http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-BOLTANSKI/ENS-boltanski.htm.

LE FORT Gérard, « Féminin singulier ». In Libération [en ligne], mise en ligne le 20 août 2007, consulté le 31 janvier 2017, Disponible sur http://www.liberation.fr/grand-angle/2007/08/20/feminin-singulier_100159.

Sn, « About », in I am me, sd, [consulté le 04 mars 2017, en ligne], URL : http://www.npg.org.uk/whatson/i-am-me/about.

Sn, « Francesca Woodman. On Being an Angel ». In Fondation Henri Cartier-Bresson [en ligne], consulté le 31 janvier 2017, Disponible sur http://www.henricartierbresson.org/expositions/francesca-woodman/.

 

 

Catalogues d’exposition :

 

ALIAGA Juan Vincente et LEPERLIER François, Claude Cahun, cat. exp., Paris, Éditions Hazan/Éditions du Jeu de Paume, 2011.

BERNADAC Marie-Laure et MARCADÉ Bernard, Fémininmasculin. Le sexe de l’art, cat. exp., Paris, Gallimard/Électa-Éditions du Centre Pompidou, 1995. 

BLESSING Jennifer (dir.), Rrose is a Rrose is a Rrose. Gender performance in photography, cat. exp., New York, Hardcover edition, 1997.

LEPERLIER François (dir.), Claude Cahun photographe. Claude Cahun 1894-1954, cat. exp., Paris, Édition Jean-Michel Place, 1995.

POHLMANN Ulrich (dir.), Qui a peur des femmes photographes ?, cat. exp., Paris, Musée d’Orsay / Éditions Hazan, 2015.

Ouvrages :

 

ARBOR Anne, Interfaces. Women / Autobiography / Image / Performance, Michigan, The University of Michigan Press, 2002.

BAJAC Quentin, CHÉROUX Clément, LE GALL Guillaume, MICHAUD Philippe-Alain et POIVERT Michel, La subversion des images. Surréalisme, photographie, film, [fascicule], Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2009.

DAGEN Philippe, L’art dans le monde de 1960 à nos jours, Paris, Éditions Hazan, 2012.

DOY Gen, Claude Cahun. A Sensual Politics of Photography, Londres, I. B. TAURIS, 2007.

DOWNIE Louise, Don’t Kiss Me. The Art of Claude Cahun and Marcel Moore, Londres, Tate Publishing, 2006.

GONNARD Catherine et LEBOVICI Élisabeth, Femmes artistes / Artistes femmes de 1880 à nos jours, Paris, Hazan, 2007.

JONES Amelia et WARR Tracey, Le corps de l’artiste, Paris, Phaidon, 20112.

LEPERLIER François, Claude Cahun. L’Exotisme intérieur, Paris, Fayard, 2006.

LEPERLIER François, Claude Cahun, Paris, Nathan, Collection « Photo Poche », 1999.

LORD Catherine et MEYER Richard, Art & Queer Culture, New York, Phaidon Press Limited, 2013.

MUZZARELLI Federica, Femmes photographes. Émancipation et performance (1850-1940), Paris, Hazan, 2009.

 

Reportage :

 

JEU DE PAUME, « Claude Cahun », Youtube [en ligne], consulté le 21 janvier 2017. URL : https://www.youtube.com/watch?v=v7QXL2fiAKQ.

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